Alors qu’il y a quelques années toutes les applications étaient hébergées sur des équipements physiques – pas toujours optimisés -, la virtualisation est venue bouleverser ce paradigme. La virtualisation de serveurs consiste à faire tourner un système informatique de manière virtuelle, à l’intérieur d’une couche abstraite de logiciel qui se superpose au matériel réel. Cette technologie n’est pas nouvelle et a été inventée par IBM dans les années 70. Aujourd’hui, la virtualisation des serveurs concerne l’immense majorité des entreprises. En 2020, 92 % des entreprises interrogées l’utilisaient, alors que les autres envisageaient de l’utiliser prochainement (1) :
(1) Adoption de la technologie de virtualisation par les entreprises
(The 2020 State of Virtualization Technology ,Marketing)
La virtualisation est souvent considérée comme une solution face à la crise climatique en permettant la réduction du nombre d’équipements dans les datacenters, et une plus forte utilisation de ceux-ci… mais est-ce vraiment le cas ?
C’est quoi la virtualisation ?
Cette technique repose sur deux éléments fondamentaux : l’hyperviseur et les machines virtuelles, en anglais Virtual Machine (VM).
Les VM simulent des comportements physiques et des calculs, comme si l’un ordinateur virtuel s’exécutait sur un autre ordinateur. Elles ont leurs propres ressources, telles que le CPU, la mémoire et le système d’exploitation.
Le logiciel qui sépare et attribue les ressources du serveur physique aux différents serveurs virtualisés s’appelle un hyperviseur. L’hyperviseur, assure l’installation, la configuration et la coordination des machines virtuelles, en faisant office d’interface entre le matériel physique et les VM. Il garantit que les ressources physiques nécessaires sont disponibles pour les machines virtuelles et leur ordinateur hôte.
Schéma comparatif de l’architecture d’une VM et d’un serveur physique
Quels sont les bénéfices environnementaux associés à la virtualisation ?
L’approche traditionnelle d’hébergement d’une application est de lui attribuer un serveur physique dédié à cette application. Seulement, avec la croissance très rapide de la puissance des machines, cette approche n’est plus optimale. En effet, un serveur physique dédié à une seule application est souvent sous-utilisé. En moyenne, les serveurs physiques dédiés n’utilisent que 10 à 20% de leur capacité (2), causant un gaspillage de ressources.
Les techniques de virtualisation ont apporté une solution à ce problème. Elles permettent de faire fonctionner plusieurs OS et plusieurs applications sur le même serveur physique, comme s’ils tournaient sur des machines distinctes. La virtualisation permet de répondre à la problématique de surdimensionnement de serveurs dédiés à des applications uniques en optimisant les ressources de chaque serveur physique.
Regrouper plusieurs serveurs virtuels sur une même machine est donc énergiquement plus efficient et par conséquent économiquement rentable. A condition que les plages d’utilisation des serveurs virtuels ne soient pas simultanées. En effet, la virtualisation peut permettre d’augmenter la charge d’utilisation d’un serveur physique de 50% à 80%. (2)
En réduisant le nombre de machines physiques, la virtualisation permet des gains environnementaux grâce à plusieurs aspects :
Virtualisation et environnement : Les points clés
Bénéfices | Serveurs physiques vs Serveurs virtuels |
Performance énergétique | La virtualisation des serveurs a un impact significatif sur la consommation énergétique à toutes les étapes du cycle de vie du serveur. Elle permet de regrouper sur une seule machine l’alimentation électrique de plusieurs serveurs, ce qui réduit la consommation d’énergie nécessaire. De plus, la dissipation de chaleur est également mutualisée, ce qui contribue à diminuer la consommation électrique nécessaire pour le refroidissement des serveurs. |
Flexibilité | La virtualisation offre une grande flexibilité, permettant aux entreprises de gérer plus efficacement leurs ressources informatiques et d’éviter les gaspillages d’énergie. Contrairement aux serveurs physiques, qui sont difficiles à ajuster en termes de capacité une fois dimensionnés, la virtualisation permet une gestion plus agile et rapide des ressources, réduisant ainsi le risque de surutilisation ou de sous-utilisation des ressources. |
Maintenance et gestion | Les serveurs virtuels offrent une gestion et une maintenance simplifiées (moins d’équipements à maintenir et moins de personnel pour réaliser la maintenance et la gestion). Le démantèlement et l’élimination du matériel sont également simplifiés en raison de la réduction du nombre d’équipements. |
C’est quoi le problème avec la virtualisation ?
Malgré les avantages évidents de cette technologie, il est essentiel de prendre en compte les effets secondaires qu’elle peut engendrer. En comparaison des serveurs physiques qui requièrent l’installation de nouveaux équipements, la mise en place de machines virtuelles est extrêmement facile. Cette facilité à provisionner de nouvelles ressources informatiques entraîne des effets rebonds, conduisant à une augmentation considérable du nombre de VMs. Cette inflation de consommation liée à la réduction des limites contribue à augmenter la puissance informatique totale nécessaire. De nos jours, les entreprises possèdent deux à trois fois plus de serveurs virtuels que de serveurs physiques. La virtualisation n’encourage pas à la sobriété. Par conséquent, il est essentiel de noter que, même si les VM sont simples à déployer, elles doivent être configurées et dimensionnées en fonction des besoins spécifiques de l’entreprise pour être sûr de ne pas gaspiller de ressources en déployant des VM inutiles.
Conclusion
La virtualisation des serveurs, bien que réduisant l’empreinte carbone par une meilleure utilisation des ressources, peut augmenter la consommation globale de ressources informatiques. Cette technologie entraîne souvent l’utilisation d’applications plus lourdes, plus nombreuses et l’acquisition de serveurs plus puissants. Il est crucial de considérer ses effets rebond néfastes potentiels sur l’environnement avant de la juger bénéfique écologiquement. Malgré ses avantages environnementaux, il est essentiel d’optimiser la demande énergétique des équipements de virtualisation. Cela peut impliquer l’amélioration du système de refroidissement pour augmenter le PUE (Power Usage Effectiveness) ou l’utilisation d’énergies renouvelables pour les centres de données.
Coline Ritz et Rémi Gaston
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Références
1. The 2020 State of Virtualization Technology [Internet]. Marketing. [cité 24 avr 2023]. Disponible ici.
2. Qu’est-ce que la virtualisation ? | IBM [Internet]. [cité 24 avr 2023]. Disponible ici.
3. Energy efficiency comparison of hypervisors – ScienceDirect [Internet]. [cité 24 avr 2023]. Disponible ici.