La DSI sera un acteur majeur dans la lutte contre le réchauffement climatique, en donnant les moyens aux métiers de mesurer et de réduire leurs empreintes carbone. Mais face aux inquiétudes du grand public, venez découvrir aussi comment la DSI peut calculer ses propres émissions, et trouver les leviers des véritables sources d’économie carbone pour obtenir rapidement des résultats.
Pour commencer, quelques chiffres sur le numérique et l’environnement:
- 4 %, c’est la part des émissions mondiales de gaz à effets de serre qu’on attribue au numérique en 2018 (1). Ce chiffre ne cesse de croitre depuis plusieurs années : on n’était qu’à 2,5 % en 2013.
- Amazon, qui est la plus grosse société du numérique actuellement, est devenue la société qui a signé le plus grand nombre de PPA d’achats d’énergies renouvelables. En parallèle, Amazon est également une société qui a consommé énormément d’énergie fossile en 2018 notamment par le biais de ses datacenters en Virginie Occidentale (2). Je vous invite à regarder le documentaire Datacenter : the hidden side of the web (3).
- Enfin, la croissance des usages numériques est également importante : 8,9 équipements informatiques par personne en 2020 en Europe occidentale vs 5,3 en 2016 (3) !
Pour respecter les trajectoires fixées par l’accord de Paris, il faudrait diminuer quasiment par deux les émissions de gaz à effet de serre liées au numérique actuelles d’ici à 2050 ! C’est très ambitieux, donc ça nécessite une mise en mouvement de tout l’écosystème. A l’heure actuelle, les DSI manquent de moyens et de pistes pour mettre en place leur démarche Numérique Responsable.
Réaliser une mesure carbone de l’IT
La première étape de tout démarche Numérique Responsable commence par la réalisation d’une mesure carbone de l’IT qui permettra d’identifier les principaux postes d’émission, et donc les chantiers sur lesquels concentrer ses efforts.
La méthode du Bilan Carbone® est un un outil de diagnostic qui permet d’analyser les émissions directes et indirectes de gaz à effet de serre générées par l’ensemble de ses activités, avec trois périmètres distincts : les fameux scopes 1,2 et 3. La législation française rend obligatoire le reporting des scopes 1 et 2, pour les entreprises de plus de 500 salariés. Le scope 3 est laissé pour compte mais c’est pourtant là qu’on trouvera les plus grandes sources d’émissions de l’informatique.
Le scope 1, ce sont les émissions directes de l’organisation, donc là où le carbone est directement émis que ce soit en brûlant des carburants fossiles (ce sera les groupes électrogènes dans les datacenters) ou les émissions fugitives des systèmes de climatisation.
Le scope 2, ce sont les consommations d’électricité, donc les usages informatiques, les bâtiments des équipes aux terminaux.
Enfin le scope 3 c’est celui qui concentre la majorité des impacts de l’IT, avec toutes les émissions indirectes liées aux achats.
Comment mesurer les émissions du numérique et comment attribuer des émissions de CO2 à des équipements qui soient pertinentes ?
On utilise des facteurs d’émissions afin de convertir des données en émissions. Pour le numérique, les facteurs d’émission utilisés traditionnellement et présents dans la base carbone de l’Ademe sont vieux et parfois peu appropriés. On ne trouve pas de base de données facilement accessible. Le plus intéressant sera d’aller regarder les déclarations publiées par les constructeurs eux-mêmes. Ce qu’on retrouve dans les fiches PCF (Product carbon footprint), c’est une empreinte carbone dans une approche cycle de vie des équipements. C’est-à-dire que l’empreinte est répartie entre fabrication, transport, usage et fin de vie. A noter que l’usage est toujours calculé à partir d’un facteur d’émission du réseau électrique qui varie selon la localisation, et qui sera plus bas pour un usage en France par rapport à la majorité des pays, grâce à une électricité majoritairement nucléaire. Quand on fait le bilan carbone de IT, il faut bien faire attention à la localisation des équipements.
Ensuite, l’impact à la fabrication des équipements est souvent le plus important. C’est surtout vrai pour les équipements individuels, moins consommateurs d’électricité, et pour les équipements localisés en France avec une électricité peu polluante. Donc renouveler son parc vers des équipements IT de dernière génération moins énergivores est très rarement la meilleure solution.
Le bilan carbone d’une entreprise permettra d’identifier les postes principaux d’émissions de la DSI, que ce soient les réseaux, les datacenters, les équipements individuels, le cloud… En fait, cette répartition est propre à chaque entreprise et varie selon l’organisation de la DSI.
Les quelques pistes que nous apprennent la mesure des émissions carbone de l’IT :
Remonter au physique, plutôt que des ratios par unité d’œuvre. Il faut notamment se méfier des ratios sur des objets immatériels tels que les envois de mails ou le stockage de données. Les émissions ne sont pas émises par les mails, mais bien par les équipements qui sont branchés quelque part. Dans les faits, que l’on envoie plus ou moins de mails la consommation électrique du serveur restera à peu près la même. Ensuite, ces ratios font culpabiliser l’utilisateur alors que les leviers d’action restent à chercher principalement au niveau de la DSI.
Compter les logiciels et le cloud. Les logiciels ont besoin d’infrastructures et d’équipes pour fonctionner. Avec le développement du SaaS, du cloud et le basculement du CAPEX vers de l’OPEX dans le budget de la DSI, il est important de se soucier de l’empreinte des services tiers que l’on consomme. On ne peut que vous inviter à vous tourner vers vos fournisseurs. Ces derniers commencent à structurer leurs démarches, on observe une évolution depuis un peu plus d’un an. Les gros fournisseurs réfléchissent de plus en plus à présenter une facture carbone, voire une calculette carbone présentant une empreinte à l’usage (calculette déjà proposée par les fournisseurs de cloud).
Focus sur l’achat. On l’a vu les enjeux importants pour les équipements sont autour de la construction des terminaux. Donc les premières actions à chercher sont : privilégier l’allongement de la durée de vie, travailler sur l’usage. En aval, Il faut aussi réfléchir à réutilisation. En amont, les enjeux sont importants, on doit chercher à mieux acheter. Cela implique d’acheter du reconditionné, d’acheter des équipements que l’on pourra réparer (notamment l’indice de réparabilité), et ayant une empreinte déjà faible à la construction. Concernant les services, penser à inclure dès le départ des clauses environnementales permettant de travailler avec ses fournisseurs.
Communiquer sur l’empreinte carbone. Traduire le Bilan Carbone en des objectifs chiffrables et communiquables à tous niveaux. Mettre en place un pilotage qui aura un impact dès les étapes de décision permettra une optimisation globale. Si possible, tous les projets font l’objet d’une simulation carbone en complément d’une simulation financière. La DSI a un rôle centralisé et peut mettre en place des règles et des alertes.
Définir son plan d’action. L’entreprise doit chercher à définir un plan d’action qui puisse se décliner à travers des KPI pertinents basés sur des données réelles (augmenter la durée de vie moyenne des équipements, diminuer le nombre d’heures allumées inutilement le soir ou le weekend). Ce plan d’action doit également s’intéresser aux projets en cours dans l’entreprise. Notamment réfléchir à la pertinence de démarches de move 2 cloud par exemple. Enfin, la politique de sobriété numérique d’une entreprise peut générer des synergies avec d’autres problématiques posées par le numérique : pénuries de composants, réduction des coûts, attractivité des talents.
IT for green. L’informatique permet une décarbonation des métiers à travers l’IT for green. Optimiser les émissions de l’IT bénéficiera à toute l’entreprise : à travers les améliorations que permettent les technologies numériques comme le travail à distance, la softphonie, l’IoT, etc. on trouvera également des gains environnementaux qui se reflètent sur le Bilan Carbone global de l’entreprise. Il faudra mettre en place une méthode autour de l’évaluation des gains liés à ces technologies, en définissant notamment un scénario de référence. Carbone 4 a récemment publié des guides autour de ce travail pour la méthode liée au pilier B, dans le cadre d’une méthodologie Net Zero.
Conclusion
Aujourd’hui le numérique se réveille et prend conscience de son impact. Réaliser le bilan carbone de l’informatique permet aux entreprises d’identifier où se trouvent les impacts, et quelles actions seront les plus pertinentes. Décliner un plan d’action au niveau de la DSI est important, car une démarche numérique responsable permet d’engager les équipes et permet au numérique de décarboner les métiers de l’entreprise. L’IT est également un vecteur de la transition écologique. Dans ce contexte, le bilan carbone devient un outil de pilotage au service de la réduction de l’empreinte des services de toute l’entreprise.
Le CO2eq. est aujourd’hui la métrique phare de l’environnement sur lequel il est possible de faire un pilotage. Dans un second temps, et dès que l’entreprise deviendra mature sur le Numérique responsable, d’autres critères seront à monitorer. Le réchauffement global est un des impacts, mais l’entreprise doit chercher à mesurer les autres impacts du numérique notamment sur la consommation en eau, l’extraction de ressources abiotiques, la pollution de l’air, l’occupation des sols ou sur la biodiversité.
Rémi Gaston
Source (1) : Etude du Shift project 2018
Source (2) : Greenpeace 2018 ; Quartz, 2021
Source (3) : replay disponible
Source (4) : ADEME, 2021